Domaine public et propriété physique du tableau

Je vais enfoncer des portes ouvertes, mais parfois ça fait du bien.

Hier, j’étais au Salon du livre à Genève. J’y suis allé pour photographier différents auteurs présents, dans l’idée d’illustrer les articles présents sur Wikipédia. Je me promène donc dans les allées du salon prenant quelques auteurs en photo. Les contacts sont agréables, les auteurs très ouverts à avoir leur photo illustrer l’article les concernant.

Cette année au salon du livre, il y a aussi une exposition de peintures de Gustave Courbet. Courbet est un peintre originaire du Doubs né en 1819 mort en 1877. Vous connaissez probablement certaines de ses peintures, on peut évoquer L’origine du monde, ci-dessous.

L'origine du monde. Gustave Courbet.

Courbet est donc mort en 1877. Une oeuvre de ce type est protégée par le droit d’auteur pendant encore 70 ans après la mort de l’auteur. Au delà, on parle de domaine public. C’est-à-dire que l’usage d’une reproduction de l’oeuvre peut se faire sans restriction.

J’ai donc vu cette exposition sur les peintures de Courbet, connaissant le peintre, j’ai rapidement compris que ces peintures étaient libres de droit. J’ai donc commencé à faire quelques photos ; je suis loin d’avoir attaqué toute l’exposition. Rapidement, un jeune Securitas m’a demandé de vider ma carte mémoire. L’exposant interdit toute prise de vue ces peintures. Ne souhaitant pas rentrer dans un débat sur le droit d’auteur avec un Securitas qui n’y connait surement pas grand chose et ne fait que acter les ordres qu’on lui a donné ; je me suis résolu à supprimer les photos.

L’exposant est le Musée Courbet de Ornans (dans le Jura français). Visiblement, cet exposant semble confondre propriété physique d’un bien et propriété intellectuelle. On peut posséder une oeuvre sans pour autant n’avoir aucun droit (au sens de la propriété intellectuelle) dessus. Alors effectivement en tant qu’unique propriétaire de la peinture il est en droit de verrouiller l’accès à quiconque, de geler au maximum les reproductions photographiques. Il semblerait que dans le cas présent – comme très souvent dans des cas similaires – l’argument soit celui de l’argent. En effet, le jeune securitas m’a dit : Par contre, vous pouvez acheter la jolie brochure avec toutes ces peintures sur papier glacé. On interdit donc la prise de vue d’oeuvres qui sont des biens publics (de part une convention internationale) dans l’espoir de vendre des brochures en papier glacé. Je ne suis pas convaincu du résultat.

Sur ce lien, on peut lire une problématique similaire au sujet des musées parisiens du Louvre et d’Orsay.

Amha, ce n’est pas en se fermant sur eux mêmes que ces musées vont s’attirer de nouveaux publics. Internet est un formidable moyen de se faire connaitre et de s’attirer des visiteurs. Ce n’est probablement pas en interdisant la diffusion de ces tableaux que ce musée parviendra a plus se faire connaitre et s’attirer un nouveau public.

12 commentaires

  1. Qu’est-ce qui se serait passé si tu avais répondu « non, je refuse de vider ma carte mémoire » ? Il n’avait aucune autorité à le faire s’il n’y avait pas une indication claire « interdiction de photographier ». Bon après, je sais à quel point ça peut être pénible quand tu prends des photos dans un musée et qu’on te regarde en biais, alors je n’ose imaginer avoir un agent de sécurité sur le dos.

    • Je ne suis pas là pour emmerder un jeune de 25 ans qui a trouvé là un petit boulot. J’ai acté par correction envers le jeune qui n’y est pour rien. En revanche, j’ai cherché à rencontrer les exposants, qui eux n’étaient pas là.

      • Par correction envers le jeune homme ? Je crois que tu es *beaucoup* trop charitable. Que, sur sa demande, tu arrêtes de prendre des photos, je peux comprendre; c’est effectivement de la correction. Mais détruire des données sur simple demande de sa part ??? Et comment sait-il que tu l’as fait; a-t-il demandé à voir ce qui restait sur ta carte mémoire (ce qui serait aussi intolérable)

        Mais personnellement, je ne peux pas imaginer une quelconque situation où j’accepterais d’effacer des photos que j’ai prise. En tout cas pas dans un tel cas.

        • Le jeune, on l’a embauché pour faire un job de service d’ordre. Il le fait selon les ordres qu’on lui donne. Moi j’étais venu pour faire des photos des auteurs présents pas pour cette exposition. J’ai acté la demande parce que je n’avais pas envie de le faire chier et pour ne pas risquer de perdre le travail précédent sur les auteurs. Il voyait très bien l’écran LCD du réflex, c’est assez voyant.

          Faire une esclandre – même en ayant raison – dans une telle manifestation c’est aussi aider à se faire blacklister pour une prochaine fois.

  2. « C’est-à-dire que l’usage d’une reproduction de l’oeuvre peut se faire sans restriction. » Mhh.. pas tout à fait ?

    Par exemple Google Books propose des reproductions numériques de livres du domaine public et détient des droits sur ces reproductions – c’est discutable, mais pas illégal. C’est l’oeuvre « elle-même » qui est dans le domaine public… et c’est bien là le problème : l’oeuvre physique appartient évidemment à quelqu’un (ou à une institution) et l’oeuvre « non-physique » – si cela a un sens – est déjà une représentation de l’oeuvre physique.

    Le paradoxe c’est que le « degré 0 » de la représentation (l’oeuvre « elle-même ») est dans le domaine public, mais que des représentations ou reproductions secondaires de ces représentations ne lui appartiennent pas forcément. Ce serait plus simple si le DP avait une définition positives et s’il était systématiquement « viral » dès le degré 0.

    «… j’ai rapidement compris que ces peintures étaient libres de droit » Il manque un « s » à « droits » — et ce n’est pas juste pour pinailler 🙂 Ca n’a pas le même sens. On naît libres et égaux en droits — pas en droit (vs de fait). Par contre, libre de droits c’est pire que DP, ce n’est pas qu’il n’y a pas de définition positive, c’est qu’il n’y a pas de définition tout court…

    Enfin, IANAL comme on dit. Et sur le fond, oui, il faudrait que les musées autorisent plus souvent les photos, ils n’ont rien à y perdre.

    Au plaisir !

  3. Mmmm… Je dois avoir le vice dans le sang, puisque je me suis dis : « mais ce n’est pas grave d’avoir vidé la carte mémoire, puisque l’on peut, une fois rentré dans sa maison à soi, utiliser un petit logiciel qui récupérera les photos effacées… »

  4. Même problème avec l’Institut du Monde Arabe à Paris… Pas besoin de connaître les artistes pour savoir que les œuvres sont depuis bien longtemps dans le domaine public, mais photos interdites…

    Comme l’écrit Indeed, si tu n’as pas pris d’autres photos depuis (j’ai peu d’espoir, en fait :p), tu peux effectivement récupérer celles qui ont été « effacées » (qui ne le sont en fait qu’en apparence).

  5. Si dans le cas présent la raison est visiblement financière, il me semble qu’elle soit aussi souvent liée au fait que le flash endommage les œuvres et que certaines personnes ont du mal à comprendre cela (voire ne savent même pas éteindre le flash de leur appareil). Il est donc plus simple d’interdire totalement les photos…
    C’est malheureux, mais…

  6. Bonjour Pourquoi Pas,
    Vaste débat que celui-ci et tellement récurrent.
    Tes réflexions sont justes me semble t-il. Quant au gardien il ne fait qu’obéïr à son supérieur et ne rentre pas dans une autre optique, (sourires pour le mot), que celle-là et rien d’autre. Les ordres sont les ordres point barre.
    Et il est vrai que pour ce qui concerne les droits d’auteurs ou le droit à l’image que tout cela est bien discutable.
    Je m’aperçois assez récemment de personnes sur internet mettant leur logo sur des peintures qui n’appartiennent qu’à leur auteur.
    Je fais moi-même de la photo actuellement et je me vois contrainte aussi à ce genre d’interdiction. Je reste prudente, ne connaissant pas exactement tous les termes de la loi.
    Ravie d’avoir lu ce petit post.
    Geneviève

  7. Étant moi même peintre amateur++ et photographiant souvent des peintures (ça n’est vraiment pas facile quand on tremble en éclairage de musée), je dois être un peu masochiste ou aimer perdre du temps et râler (j’en rajoute une couche ici), mais les imprimés proposés à la sortie des exposition, sont toujours mauvais et je pense qu’à part pour le texte et éventuellement l’image pour savoir de quelle peinture on parle, ça n’a pratiquement aucun intérêt pictural.

    La magnifique quadrichromie a déjà un gamut très limité, ne permettant absolument pas de reproduire toutes les couleurs que mettent les peintres sur la toile. Je ne connais d’ailleurs aucun peintre qui travail avec cyan + magenta + jaune. On doit bien en trouver dans les contemporains débutants et encore ils auront acheté la boite avec le noir et le blanc en plus et pour le blanc, les papiers et leur vernis seront déjà plus limités.

    Le problème que l’on a pas en photo numérique des imprimés est donc, si l’on veut avoir une couleur à une fréquence (ou chrominance) donnée, température diront certains peintres, il faut faire des mélanges, et quand on mélange, on perd en saturation et n’importe quel peintre ayant déjà fait travailler son système hormonal en peignant (puisque c’est une part importante en couleur au niveau physiologique), le comprend.

    En plus de ce défaut inhérent Les éditeurs ne semblent pas comprendre ce que sont les profils colorimétriques donnant des photos imprimées qui perdent les 3/4 de l’œuvre, surtout si il s’agit d’un peintre coloriste (pour qui la couleur prime sur le graphisme).

    On a donc, rarement une peinture s’approchant de l’original. C’est peut être l’avantage de pouvoir consulter les catalogues à la sortie des expos, mieux, il y a souvent dans les grands musées parisien le plus gros catalogue de l’œuvre consultable en milieu d’expo pour aider. Cela permet dans ce cas de voir la différence, éventuellement de la noter, afin de repenser à l’œuvre originale et au sens qu’a voulu en donner l’artiste et aux émotions colorées qu’il a voulu susciter.

    Les appareils photos ont le même problème avec la balance des blancs et les limitations de lumière et contraste, mais ont au moins un gamut plus élevé (lié au système rouge vert bleu lumineux) et si le photographe est suffisamment attentif aura plus de chance de rendre fidèlement l’œuvre.

    Un bon exemple, souvent cité des problèmes de couleur en reproduction de peinture, que l’on trouve à la fois sur les catalogues et sur internet est la recherche sur n’importe quel moteur de la peinture de Monet à l’origine du mouvement impressionniste ; Impression, soleil levant, ouvrez deux catalogues, si possible à côté de l’original, vous verrez que les « professionnels » sont généralement aussi mauvais :

    https://www.seeks-project.info/search.php/search_img?lang=fr&q=monet+soleil+levant&expansion=1&action=expand&engines=&content_analysis=off&ui=stat

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